Décrire les œuvres charitables dans la ville du XIXe siècle: enquêtes françaises et allemandes
Intervention dans le panel Débats autour du caractère naturel de la solidarité: Pratiques et discours solidaires (XIXe-XXe siècles) [Panel #93]
Notre recherche sur les œuvres sociales catholiques dans plusieurs villes françaises et allemandes au XIXe siècle a eu pour origine la redécouverte des enquêtes réalisées à la fin du XIXe et au début du XXe siècle pour plusieurs villes françaises, puis pour différents diocèses allemands, avec un phénomène de transfert culturel de la France vers l’Allemagne. Ces enquêtes sur les œuvres ont sans conteste une dimension de manifeste idéologique promouvant une vision du monde inspirée par l’appartenance confessionnelle. Mais elles témoignent aussi de l’intérêt des élites catholiques pour une approche sinon scientifique, du moins rationnelle du social, qui n’est pas vu seulement comme d’essence naturelle. Il s’agit d’études hétérogènes, mais de première main, rassemblant récits historiques, témoignages, descriptions d’expériences de terrain et documents originaux, souvent chiffrés. Permettant, pour les plus riches d’entre elles, de saisir discours et pratiques, elles nécessitent la mobilisation de plusieurs approches historiographiques: histoire des élites, histoire intellectuelle, histoire des savoirs. La place occupée par ces enquêtes dans le contexte des premières enquêtes sociales, qui commencent dès les années 1820-1830, sera d’abord rappelée. Puis leurs principales caractéristiques (auteurs, méthodes et objectifs) seront présentées afin de mieux montrer comment ces documents, de taille parfois imposante, s’efforcent de traiter les faits sociaux «comme des choses», selon la célèbre formule d’Émile Durkheim, et pratiquent l’administration de la preuve, chère au siècle du scientisme. Se posera ainsi la question suivante: dans quelle mesure les catholiques, de part et d’autre du Rhin, participent-ils à l’invention des méthodes et donc à la «nébuleuse réformatrice» du tournant des XIXe et XXe siècles chère à Christian Topalov? Au-delà de certaines représentations, aussi bien contemporaines qu’actuelles, la question de leur rapport à la modernité sera ainsi posée.
