Le mouvement anti-uranium, la radioprotection et l'environnementalisme à l’OIT dans les années 1970 et 1980
Intervention dans le panel Progrès technologique, progrès social et visions alternatives de l'environnement du travail [Panel #40]
La décennie 1970-1980 voit émerger en Australie, au Canada, en France, en Inde, en République fédérale d’Allemagne et en Afrique du sud un mouvement citoyen de contestation contre l’extraction de l’uranium, qui s’est développé dans certains cas avec le soutien des organisations syndicales locales et nationales. L’implication des syndicats dans ces mouvements témoigne des convergences qui existent alors, même si elles sont de courte durée, entre critique environnementale, santé et travail. Malgré la diversité des revendications, qui témoigne de l’ancrage d’abord local des militant-e-s, la technologie nucléaire apparaît partout comme une menace pour l’environnement et les conditions de travail et certaines revendications sur la solidarité environnementale, la santé au travail, la démocratie industrielle et la liberté syndicale s’inscrivent dans une dynamique beaucoup plus globale. Dans ce papier, il s’agira moins d’analyser les trajectoires locales et transnationales des mouvements anti-uranium que de montrer comment ces critiques radicales de la responsabilité de la techno-science dans l’approfondissement de la crise sociale et écologique ont été réappropriées et reformulées à l’échelle internationale pour donner naissance à un discours sur la modernisation écologique, où le rôle de la science dans la préservation de la santé environnementale et de la santé au travail apparaît central. La transformation de l’action internationale à l’OIT en faveur d’une appréhension plus large de l’environnement du travail dans ces années est un exemple de cette évolution. Dans ce contexte, si la perception des risques radioactifs dans les mines d’uranium s’ouvre vers les questions environnementales, les réponses qui sont apportées, elles, restent fondamentalement technocratiques et relèguent au second plan les questions sociales.