Un «crime contre nature»? L’inceste dans les savoirs et les pratiques médico-judiciaires aux XVIIIe-XIXe siècles
Intervention dans le panel Médecine, nature et genre [Panel #43]
L’inceste est sous les feux d’une brûlante actualité. En France, et suivant des modalités variables dans la plupart des Etats d’Europe, il est de plus en plus assimilé à un acte de violence sexuelle sur un enfant (fille ou garçon) dans le cadre familial. Tel n’a pas toujours été le cas. Si dans la doctrine criminelle française du XVIIIe siècle, l’inceste est un crime à part entière contre les «lois naturelles et civiles», il n’est pas indexé à la notion de violence sexuelle, mais désigne plutôt une forme de sexualité illicite entre adultes apparentés réputés «consentants». De plus, l’incrimination d’«inceste» est supprimée du code pénal français à partir de 1791, sans que la répression des pratiques sexuelles incestueuses ne disparaisse de la jurisprudence des tribunaux. Notre communication interrogera les pratiques sexuelles incestueuses réprimées dans ce cadre changeant des cours de justice criminelle aux XVIIIe-XIXe siècles. De quoi l’inceste est-il le crime pour les juristes, les praticiens du droit, les médecins chargés d’en faire l’expertise légale? À quelles pratiques sexuelles est-il assimilé? Suivant quels rapports de domination (genre, âge, position d’autorité) est-il criminalisé? À quelles conceptions morales, religieuses, scientifiques de la sexualité ces manières de dire et de juger l’inceste criminel renvoient-elles? Il s’agira de restituer les rationalités qui donnent sens aux sexualités incestueuses suivant des modèles de classification (nature/culture, féminin/masculin, descendant/ascendant) et de légitimation (lois naturelles, divines, scientifiques) tributaires de techniques du droit, de savoir-faire judiciaires et médicaux, des connaissances sur la sexualité saisis dans la longue durée des XVIIIe-XIXe siècles.