La nature des désirs. Théories et pratiques locales de la sexualité légitime au XVIIIe siècle
Intervention dans le panel Die «natürliche» Liebe. Elitevorstellungen und lokale Praktiken (1700-1850) [Panel #15]
«Queer - Vielfalt ist unsere Natur», proclame le titre de l’exposition actuelle au Musée d’histoire naturelle de Berne (9. April 2021 - 10. April 2022). Au moins depuis le Bas Moyen Âge, théologiens, philosophes et intellectuels de diverses couleurs essaient désespérément d’ancrer le désir sexuel et l’amour dans une certaine vision de la nature, implicitement dans le but de définir ce qui est légitime et ce qui est proscrit dans le domaine de l’érotisme. Si cette référence obligée a servi à définir dans la pensée théologique moderne une série de graves «péchés contre nature», depuis le XVIIIe siècle elle a été utilisée - par exemple dans la littérature pornographique - pour légitimer de nouvelles pratiques du plaisir ou de nouvelles conceptions de l’amour.
En même temps, dans la pratique administrative, les «enfants naturels» sont ceux qui ont été conçus en dehors du mariage; en ce sens la sexualité naturelle échapperait en quelque sorte à la civilisation, c’est-à-dire aux normes religieuses et civiles imposées depuis le XVIe siècle comme conditions d’accès aux rapports légitimes.
Cette présentation essaie de comprendre comment des concepts différents de nature sont utilisés pour définir les confins de la sexualité acceptable, en comparant les réflexions des savants aux pratiques concrètes dans les communautés de la Suisse romande du XVIIIe siècle. Les contradictions entre les différentes définitions ouvrent des marges pour de nouvelles expériences sexuelles, en encourageant de nouvelles pratiques qui, même dans les couches paysannes, n’ont rien de naturel, mais sont toujours encadrées dans des structures sociales et culturelles particulières et définissent des «cultures sexuelles» spécifiques.